Ruée vers l’or et premiers bisons dans le South Dakota

Nous avons traversé l’océan de rien du Minnesota d’une traite. Plat, vert, agricole… et sans aucun réseau de bout en bout. C’est la première fois aux USA que nous nous sommes sentis si loin de New York… et même de Chicago !

A peine rentrés dans l’état du Dakota du Sud, nous avons dormi à Sioux Falls où nous avons eu la surprise de découvrir une jolie petite cascade, mais un peu trop aménagée à notre goût.

Plus loin c’est une nouvelle visite insolite qui nous attendait : le Corn Palace ! Pour valoriser les productions agricoles, des palaces dédiés aux cultures du Midwest ont été bâtis dans les différentes villes. Lorsqu’on rentre dans celui-ci c’est l’odeur du pop-corn qui nous prend au nez. Les décors du palace entièrement faits en maïs - c’est bien l’idée - changent de thème chaque année.

Les longs 500km suivants nous offrent la distraction, tous les quelques kilomètres, de panneaux publicitaires délavés qui datent sans doute des années 80, tous pour le seul supermarché aux (grands) alentours : le Wall Drug. Vu l’énergie dépensée à nous faire connaitre son existence on se promet d’aller y faire un tour.

En attendant, nous arrivons au parc National des Badlands, les « mauvaises terres » à traverser pour les colons qui rêvaient de s’installer à l’ouest. Mais pour nous il s’agit d’un spectacle grandiose !

Proche de la sortie nous croisons même notre premier bison dans l’excitation générale !

A peine sortis du parc nous avons le droit de bivouaquer en pleine nature et jetons notre dévolu sur la ligne de crête qui nous offre une vue incroyable. Mais nous ne sommes pas tous seuls… au moins vingt RV ont eu la même idée que nous et s’enchainent à la queue leu leu.

Promesse tenue nous faisons une halte dans le fameux Wall Drug, ambiance far ouest au rendez-vous dans les décors et nous retrouvons toute la panoplie du cow-boy dans les boutiques.

Mais cette fois nous sommes également sur des terres indiennes, la réserve Oglala n’est pas loin, et dans la ville voisine de Rapid City nous commençons à découvrir également l’artisanat de cette tribu.

Compte-tenu de la chaleur qui commence à tomber nous craquons pour notre 2^ème bivouac payant depuis le départ de LA, avec son argument majeur : la piscine. Machines, douches, nettoyage, gros entretien de la clim pour Nicolas, et wifi pour mettre en ligne l’annonce de mise en vente du camion pour Johanna… une halte salutaire avant de s’attaquer à nos premiers réels reliefs du voyage avec les Black Hills dorénavant devant nous.

C’est au nord de ces vieilles montagnes érodées que le plus gros filon d’or des états-unis a été découvert, provoquant une des fameuses ruées vers l’or. Après avoir affronté la famine, les maladies, et les attaques d’indiens ce sont 24.000 immigrants venus de partout, rêveurs, ambitieux, prostituées et commerçants qui se sont agglutinés dans la ville de Deadwood à l’ambiance far far West. Encore aujourd’hui on peut boire un coup au saloon n°10 où le Marshall du coin s’était fait assassiner d’une balle dans le dos. C’est aussi là que se trouve la tombe de Calamity Jane. Au petit musée très hétéroclite local on trouve les objets astucieux des tricheurs au poker à côté d’une grosse pépite d’or.

Après avoir sorti 41 millions d’onces d’or et 9 millions d’argent en 126 ans, la dernière mine d’or a fermé en 2001 suite à l’effondrement du cour de l’or, mais comme il a remonté dernièrement, quelques-unes d’entres-elles ont commencé à rouvrir. La plus grande est définitivement à l’arrêt et a été donnée à une équipe universitaire qui a maintenant établi une base scientifique souterraine à l’intérieur : particules noires, neutrinos, ce sont de tous nouveaux sujets qui occupent les lieux !

Nous avons visité une des mines définitivement fermées depuis longtemps mais la partie amusante était celle où nous avons appris à faire du « panning », soit manier la sorte de poêle qui permet d’isoler l’or des autres sentiments lorsqu’il a été érodé par les rivières du coin. Il faut bien mélanger cailloux et eau pour faire tomber les pépites d’or, plus lourdes, au fond. Puis il y a un geste pour se débarrasser des plus gros cailloux du dessus en enfonçant la poêle dans l’eau à 45°.  A la fin il suffit de pousser les derniers petits cailloux pour tomber nez à nez avec le trésor qui lui ne bouge pas. Les habitants actuels de Deadwood continuent à jouer à cela comme passe-temps le week-end.

Plus au sud se trouve un grand monument national américain : le Mont Rushmore. C’est à 58 ans que Borglum, le sculpteur sollicité pour cette œuvre s’est attaqué au premier coup de massue. Et il a mis 17 ans à la terminer, avec son équipe, au moyen d’un minutieux travail de pointage : un fil tendu depuis le sommet avec un énorme poids permettait de mesurer tous les détails à reporter x12 par rapport à son moulage d’atelier. Mais ce qui nous a le plus impressionné c’est le décorum autour de ce monument. Tous les soirs à 21h un discours d’une demi-heure est donné expliquant que les Etats-Unis est le pays du monde où on peut parler le plus librement, que c’est pour cela qu’il y a quatre fois plus d’immigrants que dans n’importe quel autre pays du monde qui souhaitent s’y installer chaque année. Puis un film présente tour à tour les quatre présidents qui y sont sculptés : Washington, Jefferson, Lincoln et Roosevelt et leurs plus grandes réalisations pour le pays ainsi qu’au niveau international. Puis vient le moment de l’hymne national, debout la main sur le cœur. Une fois terminé le Ranger appel tous les militaires à descendre sur scène, ainsi qu’un représentant par famille qui a un membre engagé dans l’armée, ainsi que ceux qui ont perdu un proche dans l’armée. La scène se remplit et dans le plus grand silence ils descendent le drapeau américain et le plient religieusement. A la fin de ce moment solennel, on entend des « USA ! » appuyés, « Thank you ! » clamés par le public. Nous avons eu le sentiment de tomber dans un repère de nationalistes. A l’issue de cette visite nous avons également compris la portée politique de cette sculpture sciemment conçue pour marquer la suprématie des nouveaux colons sur les terres indiennes de l’ouest, d’autant plus que le Mont Rushmore est initialement un territoire indien sacré.

La soirée n’était pas terminée pour nous, Nicolas avait rendez-vous avec une Commission de l’Ordre des Médecins en France à 3h du matin pour nous… et il n’y avait pas de wifi sur le Mont Rushmore. Nous avons donc dû redescendre cette montagne de nuit, pas très à l’aise, pour nous trouver un autre parking avec du wifi, et y « dormir ». Cette nuit-là nous avons encore essuyé un orage avec des rafales qui faisaient fameusement vaciller notre camping-car dans tous les sens. Lorsqu’il s’est enfin arrêté, ce sont les coyotes qui se sont mis à hurler !

Le lendemain nous avons été voir le pendant du Mont Rushmore, la sculpture de Crazy Horse ! La communauté indienne a tenu à marquer, elle aussi, son territoire, mais avec un héros indien. C’est donc une autre montagne qui est sculptée depuis 1948 et qui est loin d’être terminée. Les Indiens ont fait appel à un immigré polonais de Boston pour cette sculpture-ci : Ziolowski. Il a accepté cette mission comme un honneur et y a dévolu sa vie entière. Ayant infiniment moins de budget que pour le Mont Rushmore il a commencé à sculpter seul, après avoir bâti sa maison de ses mains juste à côté. Avec sa femme ils ont eu dix enfants, se disant qu’ils auraient besoin de main d’œuvre pour les aider dans leur tâche. Et tous se sont mis à aider leur père dans son entreprise. Le couple est maintenant décédé (lui en 1982, elle en 2014) mais ce sont leurs enfants et petits-enfants qui ont repris ce projet fou. Depuis lors les financements privés sont arrivés et c’est tout un complexe culturel et pédagogique autour des Native Americans dont il est question. Un musée a vu le jour, ainsi qu’une université pour les Indiens. Les jeunes d’une quarantaine de tribus (Lakota dont c’est le territoire, mais aussi Dakota, Cheyenne, Oglala, Sioux etc.) y sont accueillis pour qu’ils se connaissent, solidifient leurs liens, mutualisent leurs compétences. Journal, hôpital, manifestations, espaces pour l’artisanat… le projet a pris une toute autre ampleur.  Au Canada nous avons remarqué que toutes les visites de musées commençaient de la même façon : « Avant de commencer nous tenons à signifier que nous sommes sur un territoire des premières nations qui ont habité ces terres bien avant nous et qui ont leurs ancêtres enterrés ici. » Nous comprenons qu’aux Etats-Unis, où la reconnaissance n’est pas identique, le besoin d’affirmation identitaire soit plus fort.

Une partie de ce complexe est également dédié aux bisons… animaux emblématiques du Midwest américain, et chaine essentielle à la vie des Indiens pendant des centaines d’années, ils étaient 50 millions dans les plaines du Dakota, entre autres. La horde était si grande qu’elle occupait en réalité l’équivalent de deux états actuels entiers ! Mais en 1870 les colons les ont exterminés pour une double raison, économique pour certains qui en voulaient à leurs peaux, et politique pour les autres qui les ont laissé faire. Privant les Indiens de leur principale ressource ils étaient alors plus dociles pour gagner les réserves qui leur étaient destinées. A la suite de cette extermination, le nombre de bisons encore vivants aux USA se comptaient sur les doigts, et ils n’étaient pas tous en liberté ! Après une prise de conscience et la pugnacité d’une poignée, ils ont progressivement repeuplé les terres de l’ouest et sont maintenant 30.000. Nous avons voulu voir cela de nos propres yeux et les avons guettés dans le Custer State Park où se trouve une horde. Après une bonne heure de route - et avoir trouvé des antilopes en attendant - nous les avons enfin trouvés !

En quittant les Black Hills nous sommes encore passés au Wind Caves National Park, la première grotte classée aux USA pour ses formations en nid d’abeille qui sont extrêmement rares et quasi exclusivement présentes dans cette grotte. En effet, nous n’avions jamais vu cela…

Ces derniers jours nous nous sommes enhardis sur les routes avec du dénivelé en comprenant le fonctionnement du frein moteur sur un vieux camping-car automatique, mais nous sommes tout de même contents de retrouver les grandes plaines, qui nous rappellent d’ailleurs la Mongolie, en direction du Wyoming !