Tennesse : de la ségrégation au Rock’n roll
Inutile de chercher le post sur le Mississippi… il n’existe pas… Nous avons dormi à Natchez qui a connu les premiers peuplements indiens avant l’arrivée des colons, mais il ne reste que quelques ruines peu intéressantes de cette époque. Et nous n’avons rien trouvé d’autre à nous mettre sous l’œil... Nous avons donc profité du Mississippi pour faire un énorme pit stop : machines, douches à gogo, dump station, refill d’eau, courses, essence… histoire de faire une pause au milieu des 600km qui nous ont fait quitter notre « ligne » au sud des US pour faire route vers l’intérieur des terres au Nord.
En moins de deux jours nous sommes donc arrivés à Memphis, au Tennessee !
Pèlerinage sur la route d’Elvis oblige, nous commençons au sud de la ville par Graceland, sa maison devenue parc d’attraction pour les milliers de visiteurs annuels qui viennent aussi se recueillir sur sa tombe, dans son jardin. Nous avons été arrêtés net à la porte d’entrée : 77$ par personne pour le premier prix !! Mais comment ce lieu est-il le plus visité des USA après la maison blanche ?
Pas de remords, nous allons en apprendre suffisamment sur le personnage au travers des autres visites dans la ville. Soyons honnêtes, nous partions avec un fameux retard en matière de culture country, blues, soul, RnB, bluegrass, etc… Voici ce que nous avons retenu : dans les Etats du sud soumis à l’esclavage, tous chantaient ou jouaient de la musique dans leurs champs. Les blancs de leur côté avec la country inspirée des chants traditionnels irlandais et anglais narrant avec sentimentalisme la vie de la campagne, et les noirs de l’autre avec les gospels et le blues pour se donner du cœur à l’ouvrage et espérer un monde meilleur, surtout dans l’au-delà. Après l’abolition de l’esclavage, les noirs ont commencé à migrer vers les villes, dont Memphis, pour tenter d’y trouver un travail, emmenant toute leur culture, y compris musicale avec eux. Les univers ont commencé à se rencontrer et à s’influencer, en musique seulement, parce que dans la rue, les écoles etc… c’était une autre histoire. C’est donc en se frottant les uns aux autres que les sons, et rythmes surtout, sont passés du Blues au Jazz, au Soul et finalement au Rock, avec Elvis qui a donné un coup de peps à tout ça et largement contribué à sa connaissance mondiale.
Parallèlement les moyens d’enregistrement et de diffusion de la musique sont également passés par plusieurs innovations, des premières radios d’abord blanches et masculines, puis mixtes, aux premiers juke box.
Un des premiers à enregistrer les chanteurs à Memphis à été l’ingénieur du son Sam Phillips dans son Sun studio. Il adorait la musique des noirs, la balades des cowboys ce n’était pas trop son truc. Mais il enregistrait tout et tout le monde pour 4$ de l’époque de façon à pouvoir s’acheter le meilleur matériel et attirer vers lui les vrais artistes de Blues. C’est dans ce contexte qu’Elvis est arrivé chez lui, après avoir économisé pendant six mois pour se payer un enregistrement ! Mais ce jour là Sam n’était pas là, c’est son associée qui l’a reçu et enregistré mettant une note pour le patron : « Bon chanteur de balades ». Il a fallu plus d’un an pour qu’il le fasse venir pour un autre essai, et le test était parti pour faire un vrai flop. Voyant qu’il n’arrivait à rien, le jeune Elvis est devenu un peu nerveux et a commencé à chanter des chants de noirs… c’est là que l’oreille du maitre s’est enfin tendue ! Il a aimé la reprise plus rapide, plus rythmée… a tiré un premier enregistrement pour l’essayer à la radio et les appels ont commencé à fuser, à tel point que le chant est repassé quinze fois cette après-midi là. Quelques mois plus tard, Sun studio vendait Elvis à la RCA, un autre studio d’enregistrement et de diffusion bien plus large à Nashville et la starification était déjà en route.
Toute cette histoire est bien illustrée dans le musée du Rock et au Sun studio qui se visite aujourd’hui, à côté des activités d’enregistrement qui se poursuivent. Nous avons donc été dans la salle où tout s’est passé, tripoté au micro qui a reçu les postillons du King, et mis nos pieds là où il avait posé les siens. D’autres grands tubes et stars ont également été enregistrés dans cet endroit : Blue Sued Shoes (Carl Perkins), Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, etc.
A la même période, dans les années 50/60, les confédérés avaient beau avoir perdu la guerre civile laissant Lincoln déclarer l’abolition de l’esclavage, les esprits sudistes n’étaient pas pour autant prêts, même des décennies plus tard, à accepter la chose. Avec l’entourloupe du Credo « égaux mais séparés », les lois ségrégationnistes ont fait leur chemin, et le racisme battait son plein. Quelle lutte incroyable a-t-il fallu dans ces villes du sud pour que les noirs soient considérés comme des êtres humains… c’est toute cette histoire qui est reprise dans le musée des droits civiques situé à l’endroit où Martin Luther King Jr. s’est fait assassiné, sur la petite terrasse du motel où il séjournait à Memphis. Emouvante cette visite…
Après toutes ces émotions nous sommes partis pour un tour en ville, encore très animée avec les jeunes qui viennent y faire vrombir leurs voitures de luxe, et des groupes qui s’essaient au Live dans la plupart des bars.
Et nous avons fini sur le parking d’un endroit insolite pour y passer la nuit : devant la 3ème plus grande pyramide du monde après celle de Khéops et celle de l’hôtel Luxor à Las Vegas ! Un clin d’œil à l’origine égyptienne du nom de la ville… A l’intérieur on se balade dans un magasin de matériel outdoor typiquement « à l’Américaine », faux bayou reconstitué avec vrais alligators et poissons énormes au milieu de décors gigantesques.
Pendant toutes ces visites, une horrible rage de dent s’est déclarée… chez bibi. Nous étions tous passés chez le dentiste en prévention avant le départ sachant que les prix de ces soins sont mirobolants et non remboursés aux Etats-unis mais cela n’a pas suffit… un amalgame trop près d’un nerf a créé la voie d’une fameuse infection, avec ganglion et douleurs affreuses. Après deux jours de recherches dont je vous passe les détails épiques, nous avons miraculeusement trouvé de la place en urgence chez un dentiste qui a bien voulu me recevoir. Dix-huit radios plus tard, et soulagés de 250 euros, nous avions un diagnostic (il faudra désensibiliser), et un traitement (antibiotiques)… qui devrait maintenir la chose au calme relatif jusqu’au retour en France.
Un problème n’arrivant jamais seul, sur la route de Nashville le lendemain, Nicolas repère qu’un coin de notre cellule se désolidarise ! Nous détournons Maps.Me pour le « Camping World » le plus proche, cette chaine ayant toujours un service de réparations mécaniques pour les RV. Ayant dormi sur leur parking, nous sommes les premiers devant leur porte le lendemain matin. Douche froide : on nous annonce qu’il faut prendre rendez-vous pour avoir un avis et que le prochain disponible est le 22 mars ! O combien heureusement, Nicolas avait sympathisé avec un autre client devant la porte en attendant l’ouverture… et il se trouve que c’était un ange-gardien directement tombé du ciel. Christian, un trucker roumain qui vit aux USA avec sa famille depuis 20 ans s’est mis très gentiment en tête de nous aider. D’abord il nous a rassuré en nous disant que ce n’était qu’une infiltration d’eau et qu’on pouvait boucher la fissure avec du silicone pour un travail provisoire. Il nous a aidé à trouver d’où provenait la fuite (une mauvaise réparation sur le toit) et à la réparer en nous pilotant dans les bons magasins pour l’achat du matériel. Il nous a également branché une prise directement sur la batterie du moteur pour que nous puissions recharger nos appareils électriques avec des prises, et non uniquement avec un allume-cigare, pendant que nous roulons. Il a aussi appelé un réparateur qui est venu changer notre barillet bancal depuis l’intrusion de San Antonio. Nous avons donc passé la journée sur un parking de Wallmart à bricoler pendant que les enfants s’égayaient joliment tout autour avec un chariot de supermarché…
Le soir venu, nous avons eu droit à une invitation royale de la part de sa femme Helena qui a sorti un banquet de son frigidaire, nous avons dormi juste devant chez eux, et le lendemain, c’était reparti pour un petit-déjeuner mode Club Med. Nous nous sommes arrachés de cette famille si généreuse, pragmatique et accueillante avec qui nous nous sommes si bien entendus, en se promettant de garder contact.
Ainsi réparés nous avons pris la route du Centre des Congrès de Nashville… et le gigantisme a encore frappé ! Il s’agit d’une ville reconstituée avec hôtel, boutiques et jardins tropicaux y compris cascades et passerelles avec plusieurs espaces différents, le tout entièrement recouvert d’une immense serre. Nous nous sommes amusés à imaginer que ce serait sans doute comme ça que les humains vivront sur Mars d’ici quelques décennies…
Après avoir prêté l’oreille aux ondes du Blues et du Rock à Memphis, nous sommes arrivés sur le terrain de la Country Music à Nashville. Nous avons pu aiguiser nos naissantes connaissances lors de la visite du musée dédié à l’histoire de ce style musical… mais le plus drôle était finalement d’y voir la Gold-Plated Cadillac d’Elvis - avec ces accessoires en or pur, comme ses disques d'or, sa peinture à base de diamants écrasés et l’aménagement si Jet Set de l’arrière - et une autre voiture de luxe complètement customisée à la mode du coin.
Nous avons de nouveau fini dans la rue principale du centre ville où les groupes jouent jour et nuit, littéralement, dans chacun des bars de la rue.
Sur la route du sud, nous faisons une dernière halte en chemin à l’endroit où se trouve la distillerie de whisky Jack Daniel’s, posée sur une grotte à partir de laquelle elle récupère l’eau et la filtre dans du charbon pour fabriquer le précieux breuvage depuis 1866. Nous apprenons de nombreuses anecdotes rigolotes, Jack Daniel’s aurait toujours tenu à être habillé très chic de façon à associer le whisky à un produit luxueux. Il ne sortait que huit barils par jour pour que son produit soit plus rare, et donc plus cher, alors qu’il pouvait en produire bien plus. Nous avons également appris que l’usine a dû fermer pendant 29 ans pendant la période de la prohibition et qu’elle s’est alors transformée en quincaillerie et en commerce de mulets ; le courageux repreneur ayant tout remis sur pied avec l’autorisation de produire, mais pas encore de re-vendre, à l’âge de 69 ans. Ce qui a rendu ce whisky si célèbre, entre autres, est le fait qu’il a gagné plusieurs prix internationaux, dont trois en Belgique en 1904, 1913 et 1954 ! Ce sont maintenant 1200 barils qui sont produits par jour et distribués dans 130 pays…
Après plusieurs hésitations et votes de familles nous avons finalement décidé de sauter l’étape de Huntsville en Alabama, le 3ème centre de la Nasa américain après Houston et Cap Canaveral, nous sommes donc rentrés directement dans l’état voisin de Géorgie, avec Atlanta en ligne de mire et une vague de grand froid annoncée!