Strip et strass à Las Vegas
Autre rythme, autre style, c'est Nicolas qui prend le relai pour vous conter notre virée au Nevada!
Le désert qui tient Las Vegas dans son écrin aspire le voyageur qui cherche l’égarement, la parenthèse, l’exception, alors que la chaleur pousse tout humain normalement constitué à fuir cet endroit.
En guise de porte, une œuvre de Land Art où des rochers multicolores démesurés ont été empilés par la main des hommes, une fois n’est pas coutume.
Las Vegas est une œuvre en soi sur laquelle s’est concentrée un artiste qui a fait le deuil de toutes les vertus. Le strip de Las Vegas, sa colonne vertébrale, est tenue à bout de bras par les lumières qui s’en dégagent. Les casinos qui le bordent donnent le rythme de nos marches écrasées par la chaleur. Le gigantisme nous donne l’impression que tout est près mais la douleur des plantes de pieds nous les éloignent à mesure qu’on les approche. Et, quand on en tient un, on agrippe à pleins poumons son air conditionné qui peine quant à lui, ouvert sur la rue, à rafraîchir les homeless posés de ci de là comme un témoignage de la réalité sociale du lieu et du pays.
Le bruit des pièces, une douce musique qui apaise Colomban, notre numismate, est assourdi par la technologie des cartes prépayées. Seuls les murs de quelques casinos vieillissants résonnent encore par le déferlement des quarters qui jouent à saute-moutons sur le métal. Les tapis sont interminables et les moins de 21 ans doivent rester sur la trace qui les éloigne du vice, au risque d’être rattrapés par un gardien sortant de sa torpeur.
Nous expliquons aux enfants que le seul moyen de gagner de l’argent au casino est de posséder un casino, démonstration immédiate faite par atelier pratique en perdant cinq dollars qui s’évanouissent dans un silence presque ridicule. D’autres touristes s’affairent en sautillant sur leur siège, aveuglés par les lumières, leurs espoirs et leurs ambitions.
MGM, New York New York, Louxor et Mandalay pour la première soirée. Les cris dans les rollers-coasters défient le ciel et pénètrent à toute allure dans les casinos pour s’abreuver de peur et d’excitation en défiant la chance.
Le luxe se mélange au mauvais goût tandis que dans les casinos plus prestigieux, le luxe se mêle à la copie d’ambiances européennes, Paris, Venise, la vie de château…
La recette est simple, donner l’impression au commun des mortels qu’il peut atteindre des sommets à partir d’un seul dollar, à base de démesure, de lumières et de magie. La nuit n’en arrive pas à fermer l’œil. La part laissée à la magie et au cirque est colossale, chaque casino s’arrache un magicien starifié pour consolider son identité et attirer, au final, les indécis sur leur machine à sous. Nicolas s’est offert le show de Penn & Teller, d’autres David Copperfield faisant disparaitre des dinosaures. Et le Cirque du Soleil s’offre sept spectacles différents, commandés par les casinos qui jouent du coude, c’est presque un monopole.
Architectes et designers sont dans l’arène. C’est à Las Vegas qu’on voit un lustre énormissime dans lequel s’est incrusté un restaurant !
Le Mirage crache son volcan enflammé toutes les heures alors que la tour Eiffel scintille au Paris et que le Bellagio offre son spectacle d’eau toutes les quinze minutes. Les fleurs de verres de Chihuly soutiennent son plafond du hall d’entrée avant de s’enfoncer dans un décor de jungle raffinée où les félins sentent les parfums de luxe des magasins qui les bordent. Une fontaine de chocolat sur trois mètres de haut, déclinée en blanc, noir ou lait arrête les touristes de tous continents qui se confirment à la discipline du lèche-vitrine.
Il fait chaud, toujours chaud, et la nuit qui ne ferme pas l’œil, peine à rafraichir les machines qui surchauffent. Les machines incluent notre véhicule. On craque pour le Circus Circus, les commentaires sont sans équivoques : « accueil lamentable, en dessous de tout, chambres sales, a très mal vieilli, le tapis transpire la poussière… ». C’est vrai mais on s’en fout, on a soif de fraicheur : il y a une piscine à toboggans et de l’air conditionné. Prix affiché 66 dollars, pris final 185 dollars après les taxes sorties du chapeau. Les homeless qui recherchent la même fraicheur que nous jouent au chat et à la souris avec les gardiens.
En sortant de nos chambres, on tombe nez à nez avec des trapézistes virevoltants dans l’air climatisé. C’est surtout ça l’Amérique, le sens du spectacle à toute les sauces et si possible épicée.
Des filles qui pensaient venir faire fortune paradent en string, plumes et paillettes brésiliennes racolant quelques dollars le temps d’une photo avec les badauds, rois d’un soir.
Flamingo, Caesar Palace puis le Venitian annoncé par ses gondoles et sa réplique de la place Saint-Marc. Des belges nous avouerons avoir marché 4 km à l’intérieur du casino pour trouver le restaurant ou ils étaient attendus. Il y a de quoi se perdre et s’y perdre. 210 dollars pour la famille pour se faire balader en fausse gondole dans un faux canal par un faux italien sur de l’eau qui n’a rien à faire dans ce désert, on évite. Que dire de l’aquarium contenant des requins - une première dans ce désert depuis le crétacé - ou encore des bars glacés à 5°C ?
Ce n’est pourtant pas à travers une machine à sous que la chance nous sourit ! Immobilisés par la vitrine d’une galerie d’art recroquevillée dans son coin, comme pour s’isoler de la frénésie des joueurs, nous découvrons Vladimir Kusch, un artiste surréaliste dans les veines d’un Dali contemporain. On n’en finit pas d’aller et venir entre ses sculptures et peintures, souriant et saluant l’intelligence et la poésie de sa créativité.
On craque pour le buffet à volonté du Wynn, c’est le vice qu’on a choisi : la gourmandise. Une heure d’attente pour 150 m de buffet. Nos enfants portent leurs assiettes avec fierté et l’habilité d’un serveur chevronné. Deux heures et des piles d’assiettes s’écoulent, même Albe, la plus gourmande en sucrerie, cale sur la montagne de desserts, frustrée. Colomban est pâle, les parents ne bougent plus. Seule Bathille sautille encore, accumulant les assiettes.
Troisième journée à Vegas, direction Fremont. Un écran géant qui recouvre intégralement une rue immense animée par une cour des miracles habitée par des Michael Jackson, des chippendales, des tresseurs de palmiers, des montreurs d’handicaps variés, des dessinateurs, tous aux talents délavés, à la recherche d’une pièce hypothétique.
Des casinos bien entendu, mais plus modestes, et le Heart Attack : un restaurant de burgers où la hauteur se décline du simple Bypass au quadruple Bypass, entendez pontage cardiaque. Et celui qui ne termine pas son burger reçoit plusieurs fessées publiques qui claquent administrées par les serveuses qui n’ont d’infirmière que leurs tenues. Ceux qui pèsent plus de 350 Lbs y mangent gratuitement.
Au-dessus de nous défilent des tyroliennes à perte de vue dont la particularité est de se laisser emporter allongé, en position de Superman, tête en avant.
Et comme le chantait Elvis…’Vivaaaa Las Vegas’…